Comment gérer l’anxiété de performance ? Causes, symptômes et 12 stratégies validées par la science
Introduction
Les scientifiques définissent l’anxiété de performance comme « un état psychologique désagréable en réaction au stress perçu concernant l’exécution d’une tâche sous pression »
Si on synthétise, c’est l’état de stress et mal-être (profond) qu’on ressent quand notre esprit pense à l’avance négativement d’une tâche à réaliser (compétition par exemple).
Dans le monde sportif, on peut aussi appeler ça l’anxiété de compétition, ou anxiété compétitive, c’est la même chose.
Cette anxiété de compétition est assortie de symptômes physiques (cœur qui s’emballe, nœud à l’estomac, étourdissements, tremblements, …) et a souvent un impact négatif sur la performance.
Dans cet article, on va voir ce qui déclenche l’anxiété chez les sportifs (les causes), comment est-ce qu’elle fonctionne, ses conséquences sur la performance et le bien-être mental (spoiler: elles sont négatives), et enfin 12 stratégies de prévention pour limiter au mieux son impact.
Les déclencheurs de l’anxiété dans le contexte sportif (compétition, attente, blessure, perfectionnisme)
L’anxiété sportive ne naît jamais par hasard. Elle se développe dans un écosystème où la performance, la perception de soi et le regard des autres s’entremêlent. Derrière chaque montée de stress ou chaque perte de moyens, il existe des déclencheurs précis (parfois subtils, parfois non) qui activent la peur de l’échec, du jugement ou de la perte de contrôle.

A. La compétition : l’incertitude face au verdict
La compétition est un moment à part. Elle concentre en quelques minutes tout ce que l’athlète a travaillé pendant des semaines, parfois des années.
C’est précisément pour cela qu’elle augmente la perception de menace : l’enjeu est plus grand, le résultat compte davantage, et l’idée de décevoir (soi-même ou les autres) devient plus présente. À cela s’ajoute le risque d’échec, car on n’a jamais la main mise sur le résultat d’une compétition. Et cette possibilité suffit à rendre la situation émotionnellement chargée, allant jusqu’à toucher l’orgueil, la confiance, la place dans l’équipe, voire même même l’identité sportive.
L’incertitude joue également un rôle central. On ne sait jamais exactement comment l’adversaire va répondre, comment le match va tourner, etc.
Moins l’athlète se sent capable de prédire ou de contrôler ce qui arrive, plus l’anxiété augmente.
En fait, c’est souvent la notion d’incertitude qui crée cette anxiété avant même que la compétition ne commence, et qui s’intensifie pendant la compétition.
Enfin, la compétition déclenche des réactions physiologiques plus intenses que l’entraînement : rythme cardiaque élevé, tensions musculaires, respiration plus courte.
Ces signaux sont complètement humains et normaux, mais peuvent devenir inquiétants si on croit qu’ils prouvent un manque de maîtrise. Apprendre à les reconnaître et à les apprivoiser est donc essentiel pour performer avec sérénité (on y reviendra 🙂).
B. Les attentes: le poids du regard des autres et des résultats
Le regard des autres joue un rôle immense dans l’anxiété de performance, bien plus qu’on ne veut souvent l’admettre. Les travaux de Scanlan et de ses collègues montrent que la compétition ne se résume pas à un enjeu sportif : c’est aussi un moment où l’athlète se sent observé, évalué, parfois jugé.
Cette évaluation sociale peut venir de partout : des adversaires qui attendent un faux pas, des coéquipiers qui espèrent que l’on soit à la hauteur, du coach qui scrute chaque détail, de la famille qui veut nous voir réussir… et même de nous-mêmes, lorsque l’on devient son propre spectateur critique.
Cette accumulation de regards crée une pression silencieuse mais puissante, au point que la peur d’être évalué est considérée comme l’un des prédicteurs les plus solides de l’anxiété pré-compétitive. Plus l’athlète pense qu’il joue « pour prouver » quelque chose, plus son mental se tend. À l’inverse, lorsqu’il parvient à se recentrer sur ce qu’il contrôle vraiment (son intention, son effort) le poids du regard s’allège, et la contre-performance s’éloigne.

C. La blessure : l’anxiété du corps qui trahit
Les recherches montrent que l’anxiété qui apparaît après une blessure se divise en trois formes :
- la peur de se re-blesser
- l’anxiété de contre-performance
- et les manifestations anxieuses qui se traduisent dans le corps ou dans les émotions.
Ces dimensions confirment que le vécu du sportif en retour de blessure est profond et multifacette.
Certaines catégories d’athlètes semblent plus vulnérables. Les femmes rapportent en moyenne une anxiété de re-blessure plus élevée, tout comme les sportifs qui s’entraînent huit heures par semaine ou plus. Plus l’investissement est fort, plus le retour peut être chargé de doutes, de tensions et de questions sur sa capacité à reprendre au même niveau.
Point important : cette anxiété spécifique n’a rien à voir avec l’anxiété générale que l’on peut ressentir au quotidien. Elle dépend surtout de deux facteurs : la manière dont l’athlète perçoit le risque de se blesser à nouveau, et une tendance à se résigner lorsqu’il se sent dépassé par la situation.
D. Le perfectionnisme : moteur d’excellence ou piège intérieur
La recherche montre que le perfectionnisme peut devenir un déclencheur majeur d’anxiété de performance, surtout lorsqu’il est centré sur la peur de l’erreur. Plusieurs études soulignent que les athlètes qui redoutent fortement de se tromper présentent des niveaux plus élevés d’anxiété cognitive (pensées envahissantes, doute, anticipation négative) et d’anxiété somatique (tension, crispation, inconfort physique) avant la compétition.
D’autres travaux mettent en avant le rôle des croyances irrationnelles liées au perfectionnisme : lorsque l’athlète pense qu’il doit absolument être irréprochable pour être légitime, aimé ou respecté, son anxiété augmente inévitablement.
Une méta-analyse récente va dans le même sens : le perfectionnisme n’améliore pas la performance autant qu’on le croit. Son impact est bien plus fort sur la peur d’échouer, la critique de soi, et de nombreux risques psychologiques comme ceux-là.
Autrement dit, viser la perfection ne garantit pas de mieux performer, mais augmente la charge mentale et fragilise la confiance.
E. Une expérience passée négative
La science met en lumière le rôle clé de l’expérience passée négative comme déclencheur d’anxiété de performance chez les athlètes. Lorsqu’un sportif vit un échec, une blessure, ou une perte de contrôle lors d’une compétition, ces événements peuvent « imprimer » un schéma mental : la peur que cela se reproduise.
Une étude menée par Victoria University auprès d’athlètes de haut niveau révèle que nombre d’entre eux ont vécu plusieurs épisodes d’anxiété de performance après des moments de « choking » ou de contre-performance. 
Ces expériences défavorables créent une anticipation négative : l’athlète anticipe l’échec, doute de sa capacité, et se retrouve dans un état de vigilance extrême avant la compétition.
Les recherches suggèrent que plus un athlète a vécu d’expériences d’échec ou de performance en dessous de son niveau (voire de son potentiel), plus le risque d’anxiété pré-compétitive augmente. Ce lien est renforcé par le fait que ces événements augmentent la perception de menace et diminuent le sentiment de contrôle.
Ce qui est intéressant, c’est qu’un travail récent a montré que les athlètes ayant moins de stratégies adaptatives pour gérer ces souvenirs négatifs sont plus vulnérables à développer de l’anxiété de performance. 
Cet article a justement pour vocation à partager quelques stratégies pour sortir de ces cercles vicieux.
Comment l’anxiété sportive se manifeste
L’anxiété sportive ne se résume pas à « être stressé avant une compétition ». C’est un phénomène plus large, qui touche à la fois le mental, le corps et les comportements du sportif. Comprendre ces trois dimensions permet de mieux repérer les manifestations de l’anxiété de performance et d’agir avant qu’elles n’impactent la performance en compétition.
ici je vous présente chaque dimension séparément pour que ce soit plus clair, mais dans la vraie vie, ces trois dimensions se déclenchent souvent en même temps et s’alimentent mutuellement.
A. Cognition : les pensées qui nourrissent l’anxiété de performance
La première manifestation de l’anxiété sportive est cognitive. Il s’agit de la réaction mentale au contexte : pensées sur le match, le résultat, la peur de l’échec, les statistiques ou la crainte de décevoir. En fait, ça regroupe tout ce qu’on veut voir arriver, et tout ce qu’on a peur de voir arriver.
Ce processus commence parfois plusieurs jours avant la compétition (ou l’épreuve à vivre), et est souvent subconscient, c’est-à-dire que le sportif ne s’en rend pas compte.
Lorsqu’elles deviennent trop présentes, ces pensées anxieuses entraînent une rumination négative, diminuent l’attention et la concentration, ce qui peut (grandement) nuire à la performance sportive.
B. Activation physiologique : les symptômes corporels de l’anxiété sportive
La deuxième dimension est physiologique. L’anxiété se manifeste dans le corps par des symptômes physiques que l’on connait tous: tremblements, cœur qui accélère, respiration courte, estomac noué, gorge serrée, mains moites, maux de ventre, bouche sèche, tensions musculaires, voire même étourdissements.
Ces signaux sont normaux : ils indiquent que le système nerveux se prépare à la compétition. Mais lorsqu’ils deviennent trop intenses ou mal interprétés, ils peuvent donner au sportif l’impression de perdre le contrôle. Et comme on l’a vu, cette sensation de perte de contrôle augmente encore plus l’anxiété de performance et rend le retour au calme plus difficile.
C. Réponse comportementale : les actions qui sabotent la performance
Réponse comportementale (changements d’actions) : les pensées anxieuses + sensations amènent des comportements qui sabotent le jeu. Le changement de notre comportement peut être soit l’évitement (minimiser, éviter ou ne pas aller à 100% dans ce qu’on doit faire, pour éviter l’erreur) soit le sur-contrôle (vouloir en faire trop et forcer le jeu pour compenser)
Enfin, l’anxiété sportive se traduit dans les comportements. Pensées anxieuses et symptômes physiques conduisent souvent à deux types de réactions :
– l’évitement
L’évitement est la conséquence la plus fréquente de l’anxiété de performance. Il se manifeste lorsque le sportif cherche avant tout à réduire le risque d’erreur, quitte à s’éloigner de son niveau réel.
La racine : peur de mal jouer, de faire des erreurs, baisse des stats, décevoir ses coéquipiers, son coach, sa famille, perfectionnisme, etc.
Comment ça se passe pendant la compétition: le sportif n’ose plus prendre de risques, joue « petit », joue « sur la défensive », en retenue, avec hésitation, retient son geste pour éviter l’erreur, parfois sans la moindre implication, etc
Par exemple, au basket: on n’appelle pas la balle (par peur de manquer), on ne tente pas des tirs ouverts, on n’attaque pas un tir manqué/rebond, on évite les duels, …
– le sur-contrôle
Le sur-contrôle dans le sport se manifeste par une tentative excessive de maîtriser chaque détail (pensées, respiration, mouvements). Cette stratégie est souvent contre-productive
C’est l’opposé de l’évitement.
La racine : « il faut absolument bien jouer ».
Comment ça se passe pendant la compétition: on force des coups, on sort de la stratégie établie, on prend des risques inutiles et non mesurés, on tente des coups de poker, on « force le destin », etc
Par exemple, au tennis: on tente des seconds services aussi fort que les premiers, on tente des coups sur les lignes à chaque balle, on cherche le coup gagnant dès le retour de service, on exagère nos amortis, etc
Et donc pour réduire durablement l’anxiété de performance, le travail doit se faire en amont : sur la cognition (où se dirige l’attention) et l’activation physique (comment apaiser le corps).

Les conséquences de l’anxiété sportive sur la performance
A. Les effets directs sur la performance
- Effets physiologiques directs :
Quand notre corps nous envoie les signaux de stress, on peut perdre complètement le contrôle de celui-ci.
Un bon exemple est la crampe généralisée de Carlos Alcaraz en ½ de Roland Garros 2023. En interview d’après-match, il a admis avoir été très stressé d’affronter la légende Novak Djokovic, avant et pendant le match. Et son corps l’a littéralement laché. Il ne pouvait plus bouger et a dû abandonner.
Il n’y a pas besoin d’aller si loin. Pour tous les sports de précision, les tremblements peuvent avoir des répercussions négatives.
Dans la majorité des sports (terrestre et aquatiques), les jambes (trop) lourdes ne sont jamais d’une réelle aide pour performer au mieux pendant une compétition.
Parfois, avoir le corps qui bat (beaucoup) plus vite que ce qu’il devrait, avant la compétition, peut causer une fatigue accrue et réduire les performances. Un exemple est la natation et le triathlon. Si notre cœur s’enflamme avant la course, on va perdre beaucoup d’énergie, ce qui aura des conséquences négatives pendant la course.
- Effets attentionnels (distraction) :
Un des principes de l’anxiété est qu’il nous détourne du moment présent. Au lieu de se concentrer sur la tâche à réaliser, notre esprit vadrouille sur
- des éléments extérieurs: peur du regard des autres, peur de perdre, peur d’être ridicule, peur d’être envoyé sur le banc par le coach, peur de décevoir le coach, sa famille, ses amis, etc
- des croyances limitantes du type: « Je ne suis pas bon dans ces moments-là »,
- ou bien sur la préoccupation en elle-même: « Si je n’arrive pas à arrêter cette nervosité, ça va être horrible, je vais jamais réussir à faire ça »
Bref, notre concentration est ailleurs.. et ça impacte la performance. Imaginez que vous faites du tir en compétition, comment pouvez vous espérez à hauteur de vos capacités si vous pensez « aie aie aie je ne suis pas bon quand je suis nerveux comme ça » ?
B. Deux réponses comportementales typiques qui sabotent
Comme on l’a vu plus tôt, c’est notre changement de comportements, amenés par le stress, qui a des répercussions négatives sur notre performance.
Les deux changements principaux sont: l’évitement et le sur-contrôle.
Sachez qu’aucune de ces deux manières de faire va vous aider à être performant, au contraire.
Important à savoir: Les deux peuvent coexister. Dans un même match, il y a des moments où vous pouvez être sur la réserve, et quelques minutes plus tard, pour compenser, tenter le tout pour le tout avec des tentatives plus que douteuses.
Les conséquences sur la santé mentale de l’athlète
Lorsque l’anxiété de performance s’installe, elle ne reste pas cantonnée au terrain : elle touche également le bien-être mental de l’athlète.
(Ce sujet me tient particulièrement à cœur, car j’ai moi-même traversé près de vingt ans en difficultés à ce niveau).
Pour preuve, une étude de la Victoria University en Australie révèle que 77 % des athlètes interrogés ont connu un ou plusieurs épisodes d’anxiété de performance sur l’année passée, avec en moyenne 18,3 incidents signalés. Parmi ceux encore en activité, 55,4 % ont vécu un épisode dans le mois précédant l’enquête. 39,4 % estiment que cette anxiété les empêche d’atteindre un niveau supérieur
Autre chiffre (très alarmant): 7,1 % déclarent avoir eu des pensées suicidaires après des épisodes de contre-performance. 
Ces résultats illustrent que la pression de la compétition, la peur de mal faire, le perfectionnisme ou le jugement social ne sont pas juste des « petits soucis ». Ils peuvent conduire à un malaise psychologique profond et durable : perte de plaisir, doute de soi, retrait progressif, voire crise profonde. D’autres études confirment que les athlètes ayant subi des échecs de performance ou des blessures présentent des taux plus élevés de symptômes dépressifs, d’anxiété généralisée et d’usage de soins de santé mentale.
D’après les études, les sportifs de tous niveaux peuvent être touchés à un moment ou un autre par l’anxiété de performance, mais les conséquences négatives sur le bien-être mental sont beaucoup plus présentes chez les athlètes de haut-niveau.
Sur le plan psychologique, l’anxiété de performance fragilise la confiance, l’estime de soi, amplifie l’auto-critique, alimente l’anticipation négative et réduit la motivation. Elle modifie aussi la relation à l’activité sportive : ce qui était source de plaisir et d’adrénaline devient menace, source de doute et de fatigue mentale. Souvent le sport est un échappatoire, une passion qui permet de sortir de ses problèmes quotidiens et de kiffer. A ce moment-là, même la passion n’est plus un moment positif…
Physiquement, l’organisme reste en état d’alerte permanent, ce qui fatigue les ressources émotionnelles et favorise le danger d’épuisement ou de burn-out.
En bref, l’anxiété de performance est un risque pour la santé mentale de l’athlète, qui requiert une vigilance, un accompagnement et des stratégies précises. C’est cette dernière partie qu’on va voir dans le chapitre suivant.

Les stratégies de prévention de l’anxiété de performance: ce que dit la science
La bonne nouvelle, c’est que l’anxiété de performance n’est pas une fatalité. La recherche en psychologie du sport montre qu’il existe des stratégies très efficaces pour la prévenir, la réduire et aider les sportifs à retrouver un rapport plus serein à la compétition. Ces stratégies agissent sur trois grands leviers :
- votre manière de penser (la dimension cognitive),
- votre manière de réagir physiologiquement (la dimension corporelle),
- l’environnement dans lequel vous évoluez (coaching, climat social et motivationnel).
Savoir que c’est possible, connaître et comprendre ces leviers, c’est déjà reprendre du contrôle. Ce contrôle garde à distance l’anxiété. Et surtout, on a vu que les athlètes ayant moins de stratégies adaptatives sont plus vulnérables à développer de l’anxiété de performance. Ça ne sera plus votre cas à partir de maintenant 🙂
Peu importe la ou les stratégies que vous allez mettre en place, on peut partir du principe que la première étape est de bien se connaître (honnêtement et objectivement)
Apprendre à repérer les moments où votre stress monte, les pensées qui reviennent souvent, les sensations dans votre corps… tout cela vous donne un pouvoir d’anticipation.
Plus vous vous connaissez, plus vous devenez capable de réagir avec lucidité plutôt qu’en mode automatique.
Une fois que cela est dit (et idéalement compris), voici les stratégies les plus soutenues par la science.
1. Les stratégies cognitives
La plupart des athlètes pensent que l’anxiété vient d’un « problème de confiance » ou d’un manque d’expérience. En réalité, une grande partie de l’anxiété de performance vient de la manière dont vous interprétez la situation. Vos pensées influencent directement votre niveau de stress, votre concentration, et votre ressenti sur le terrain.
La recherche montre que certains outils cognitifs sont particulièrement efficaces :
Le reframing (ou recadrage cognitif)
Il consiste à transformer une pensée anxieuse (“Si je rate, c’est fini”) en pensée fonctionnelle (“Je me concentre sur la prochaine action”).
Ce travail ne vise pas à être “positif”, mais à redevenir opérationnel.
D’après Wikipédia, le recadrage cognitif est « une technique psychologique qui consiste à identifier puis à changer la façon dont les situations, les expériences, les événements, les idées et/ou les émotions sont perçues. »
Pour faire simple: on change la manière de penser pour apaiser l’anxiété de performance.
Lorsque l’anxiété de performance monte, elle s’accompagne souvent d’un flot de pensées négatives qui prennent leur source dans les déclencheurs qu’on a vu ensemble (l’importance de la compétition, le poids des attentes, le retour de blessure, le perfectionnisme et les expériences passées négatives)
Ces pensées créent un climat interne de menace qui amplifie la pression. Le recadrage cognitif change cette dynamique. Au lieu de croire automatiquement ce que votre esprit vous dit sous stress, vous apprenez à reformuler vos pensées en modifiant le « cadre » mental pour les voir sous un angle différent, souvent plus positif et constructif. Cela permet de passer d’une pensée négative anxiogène non-productive à une pensée plus positive, et qui peut vous aider.
La recherche en psychologie du sport montre que le recadrage cognitif est l’une des stratégies les plus efficaces pour réduire l’anxiété compétitive. Une intervention menée auprès de jeunes athlètes a démontré qu’un travail de restructuration cognitive sur plusieurs séances diminuait nettement l’anxiété liée à la compétition, en modifiant la manière dont ils interprétaient l’échec ou le jugement.
Attention, ce recadrage mental ne consiste pas à se mentir ou à « penser positif ». Le but est de retrouver un regard plus juste, moins extrême et alarmiste.
Par exemple, de passer de « Si je rate, c’est catastrophique » à « Je me suis entraîné pendant des semaines, je sais quoi faire ».
L’entraînement attentionnel
L’entraînement attentionnel consiste à apprendre à diriger son attention au bon endroit, au bon moment. Notre cerveau ne peut se concentrer que sur un seul faisceau attentionnel à la fois. Donc s’il se tourne vers la peur, le score ou les pensées parasites, la performance en souffre immédiatement.
Le psychologue Robert Nideffer a montré que l’attention fonctionne selon quatre modes, selon qu’elle est interne ou externe, large ou étroite. Ces modes déterminent où doit se porter votre attention en fonction de ce que vous êtes en train de vivre
- Le mode large interne sert à analyser et décider, loin de l’action.
- Le mode étroit interne sert à se préparer mentalement : mot-clé, repère, intention.
- Le mode étroit externe est celui de l’exécution : focus sur la trajectoire, le geste, le point visé.
- Le mode large externe permet de lire la situation, de percevoir le contexte et d’ajuster.

En apprenant à choisir consciemment son mode attentionnel, puis à le maintenir le temps de l’action, l’athlète réduit naturellement l’anxiété, car on donne consciemment quelque chose sur lequel son esprit peut se focaliser.
L’objectif n’est pas de rester dans un seul mode, mais de passer rapidement et de manière appropriée de l’un à l’autre en fonction de l’évolution de la situation.
Le dialogue intérieur structuré
Le self-talk (ce que vous vous dites intérieurement avant et pendant une compétition) joue un rôle bien plus important qu’on ne l’imagine. En fait, la science est claire : la manière dont vous vous parlez influence directement votre niveau d’anxiété, votre confiance et votre capacité à rester pleinement présent dans l’action.
Les recherches montrent que lorsqu’un athlète utilise un self-talk positif, court et orienté vers la tâche, son anxiété diminue et sa confiance augmente. Une étude menée auprès de jeunes sportifs a d’ailleurs observé une baisse nette de l’anxiété corporelle et une hausse de la confiance après un entraînement structuré au self-talk. D’autres travaux confirment que ce type de dialogue interne aide à réduire la rumination et à stabiliser l’attention, deux éléments essentiels pour mieux gérer la pression.
À l’inverse, un self-talk négatif (critique, dur, qui juge, centré sur la peur) aggrave l’anxiété. Une étude récente chez les gymnastes montre qu’il est directement lié à une anxiété cognitive et somatique plus forte.
2. Les techniques de régulation physiologique : calmer le corps pour calmer l’esprit
Lorsque vous ressentez de l’anxiété sportive, votre corps réagit immédiatement : cœur qui accélère, respiration courte, tensions musculaires, gorge serrée, etc
Ces sensations sont normales, mais deviennent problématiques lorsqu’elles prennent trop d’ampleur ou que vous les interprétez comme un signe de faiblesse.
La science montre que la meilleure manière d’apaiser l’esprit est d’agir d’abord sur le corps. Voici les outils les plus efficaces à pratiquer en amont des compétitions:
La respiration diaphragmatique
La respiration diaphragmatique est l’un des outils les plus accessibles pour retrouver du calme rapidement. Elle consiste à respirer profondément en laissant le ventre se soulever plutôt que la poitrine. Ce mode de respiration active le système nerveux parasympathique, en charge de la détente du corps. Pratiquée régulièrement, elle devient un réflexe qui vous aide à mieux gérer les moments de montée de stress en amont et pendant la compétition.
La cohérence cardiaque
La cohérence cardiaque est un exercice simple : inspirer 5 secondes, expirer 5 secondes, pendant quelques minutes. Ce rythme crée une synchronisation entre votre respiration et votre cœur, ce qui apaise immédiatement l’état interne. C’est l’une des méthodes les plus rapides pour retrouver un mental clair avant d’entrer en jeu. Après 2 ou 3 minutes, on peut déjà sentir un changement, se sentir plus calme et lucide. C’est un outil idéal pour vos routines de pré-compétition.
La relaxation musculaire progressive (Jacobson)
Cette technique consiste à contracter doucement un groupe de muscles pendant quelques secondes, puis à relâcher complètement. En alternant contraction et détente, vous apprenez à sentir la tension et à la libérer volontairement. Avec l’entraînement, vous devenez plus sensible aux signaux de crispation liés au stress, et surtout, vous apprenez à les désamorcer plus vite.
La pleine conscience (Mindfulness)
Contrairement à certaines idées reçues, la pleine conscience n’est pas « faire le vide ».
C’est apprendre à observer ce qui se passe en vous: pensées, sensations, émotions, sans les juger et sans essayer de les supprimer. Cette attitude change tout ! Elle réduit la tendance à amplifier la peur, limite la rumination et vous aide à rester ancré dans le présent.
En compétition, cela se traduit par une capacité à rester centré sur l’action, même lorsque l’anxiété se présente. Vous ne cherchez plus à la combattre ; vous apprenez à ne plus la laisser prendre toute la place.
La méditation Mindfulness aide à accepter les sensations sans les amplifier, ce qui diminue l’anxiété somatique et la rumination.
l’approche de l’Acceptation et d’Engagement (Acceptance and Commitment Therapy, ACT, en anglais) → variante de la pleine conscience
L’objectif de cette approche n’est pas d’effacer les émotions difficiles, ni d’essayer de “ne plus sentir” le stress. Au contraire : elle vous apprend à faire face à ce que la vie (sportive) vous apporte, et à avancer malgré l’inconfort. L’idée centrale est de vous ouvrir aux émotions déplaisantes sans les combattre, sans les fuir, et surtout sans réagir de manière excessive lorsqu’elles apparaissent.
L’idée centrale est similaire à celle de la pleine conscience, mais la manière de procéder pour y arriver est différente.
Car pour y parvenir, cette méthode développe ce qu’on appelle la flexibilité psychologique : la capacité à rester présent, lucide et aligné avec ce qui compte vraiment pour vous, même lorsque l’anxiété monte. Elle s’appuie sur six piliers :
- la défusion: prendre de la distance avec ses pensées
- l’acceptation: cesser la lutte intérieure inutile
- le soi comme contexte: observer sans s’identifier (on crée un recul qui permet de ne pas se laisser submerger)
- les valeurs: identifier ce qui compte vraiment pour vous, ce qui guide profondément vos choix
- les actions engagées: Passer à l’action, en cohérence avec ce qui est important, même lorsque ce n’est pas confortable.
- la pleine conscience: Revenir à l’instant présent
L’idée n’est pas de supprimer le stress, mais de changer la relation qu’on entretient avec lui.
La pleine conscience consiste à observer ce qui se passe (pensées, sensations, émotions) sans jugement, simplement en reconnaissant que « voilà ce que je ressens maintenant ».
Cette attitude d’ouverture et d’acceptation permet de rester ancré dans le présent, là où se joue la performance, au lieu d’être prisonnier du passé (l’erreur précédente) ou du futur (la peur de rater).
3. L’imagerie mentale : s’entraîner à réussir avant de jouer
L’imagerie mentale (souvent appelée « visualisation« ) est un outil de préparation mentale largement validé scientifiquement. Elle consiste à visualiser des actions, des sensations, des situations ou des comportements que vous souhaitez reproduire en compétition.
Pourquoi est-ce efficace ?
- Parce que (pour faire simple) le cerveau ne fait pas totalement la différence entre une action imaginée et une action réelle.
- Parce que l’imagerie permet d’anticiper, réduire l’incertitude et améliorer la perception de contrôle.
- Parce qu’elle renforce la confiance, la motivation et la qualité des automatismes.
L’imagerie est particulièrement utile pour prévenir l’anxiété, car elle permet d’avoir « déjà vécu » mentalement le moment sous pression.
Une manière de procédé qui est sous-utilisée dans le sport est la visualisation négative.
C’est un concept stoïque, repris depuis par les meilleurs sportifs comme Michael Phelps.
Le but est de s’imaginer dans une situation compromise (comme dans une situation anxiogène) et de mettre en place une stratégie qui nous en sorte.
Donc, quand on commence à imaginer la scène, on a les sensations corporelles du stress. Mais on va soit s’imaginer faire une respiration diaphragmatique, soit faire un reframe, ou avoir un dialogue interne positif. In fine, on sort gagnant de la situation, grâce à notre attitude et les actions mises en place.
Pour que cela fonctionne:
- inclure le plus de détails possibles dans les scènes visualisées
- inclure les émotions liées aux scènes des événements (anxiogène au début, puis serein, calme, et confiant après avoir mis les actions en place)
- Répéter cette scène encore et encore (et encore)
- La scène n’a besoin de durer que 15 secondes. Vous pouvez répéter la scène plusieurs fois si possible.

4. Les routines de pré-compétition : créer de la stabilité dans l’incertitude
Les routines sont l’un des outils les plus utilisés par les athlètes de haut niveau. Une routine est une séquence personnelle, brève, répétée avant une action ou un évènement. Elle sert à se concentrer, être focalisée dans le présent, et se mettre dans un état optimal de performance.
La science montre que les routines :
- diminuent l’anxiété pré-compétitive,
- réduisent la dispersion mentale,
- limitent le risque de « choking » (craquage sous pression),
- renforcent le sentiment de contrôle.
Une routine efficace est courte et simple. Elle doit simplement être cohérente, stable et répétée.
Son pouvoir vit dans son automatisation. Dès qu’elle devient automatique, cela vous apportera une plus-value non mesurable!
5. Votre environnement influence votre état émotionnel (en bien… ou non)
Le climat motivationnel : comment l’environnement influence votre anxiété
On pense souvent que l’anxiété de performance est un phénomène interne. Alors qu’en fait,l’environnement joue un rôle énorme. Le type de coaching, l’ambiance d’équipe, la manière de parler des objectifs… tout cela influence directement votre niveau d’anxiété.
La recherche distingue deux types de climats motivationnels.
Le premier est le climat orienté « maîtrise ». Ici, l’accent est mis sur la progression, l’effort, l’apprentissage et le plaisir d’avancer pas à pas. Dans ce type d’environnement, vous vous sentez soutenu, en sécurité, libre d’essayer, de vous tromper, de vous améliorer. Résultat : l’anxiété diminue, la confiance augmente, et la performance devient plus stable.
Le second est le climat orienté « ego ». C’est un climat où tout tourne autour de la comparaison : qui est meilleur, qui fait des erreurs, qui mérite sa place. Ce type de cadre renforce la peur d’échouer, la crainte du jugement et la pression constante de devoir « prouver ». L’anxiété y prospère, et le plaisir s’efface petit à petit…
Si vous avez une tendance à l’anxiété (même en dehors du sport), faites en sorte de trouver un club/une équipe qui valorise un climat orienté « maîtrise » et éloignez-vous autant que possible de ceux orientés « égo »…
Le soutien social : un pilier essentiel contre l’anxiété de compétition
On vient de voir comment l’environnement dans lequel on évolue influence notre potentielle anxiété de compétition. Il faut savoir que notre entourage encore plus proche a aussi une influence énorme. On sous-estime souvent à quel point l’anxiété de compétition est amplifiée (ou apaisée) par l’environnement qui nous entoure. Pourtant, la science est très claire : un athlète qui se sent soutenu mentalement et émotionnellement fait face à la pression avec beaucoup plus de stabilité. Une méta-analyse regroupant plus de 14 000 athlètes montre que le soutien social est directement lié à un meilleur bien-être, et inversement associé à l’anxiété.
Dit autrement, plus le soutien est fort, moins la peur de mal faire prend de l’espace (Frontiers in Psychology, 2025).
Ce soutien peut venir de vos coéquipiers, de votre coach, de votre famille, ou de toute personne qui comprend ce que vous vivez. Il joue un rôle de « tampon » émotionnel : il aide à relativiser, à exprimer ce qui vous pèse, à vous sentir moins seul dans les moments de doute. Il renforce aussi votre sentiment d’appartenance et de compétence, deux facteurs puissants pour calmer l’anxiété pré-compétitive.
À l’inverse, un athlète isolé, critiqué ou incompris voit son anxiété augmenter.
Le message est simple : entourez-vous de personnes qui vous élèvent. Et si possible, éloignez vous des autres 🙂
Conclusion : faire de du stress un allié plutôt qu’un ennemi
L’anxiété de performance fait partie du sport. Elle touche des athlètes de tous niveaux, et parfois bien plus profondément qu’on ne le croit. C’est un phénomène normal, qui devient problématique uniquement lorsqu’il n’est pas compris et qu’on le subit.
La bonne nouvelle, c’est qu’elle se travaille. Comme la technique, la tactique, ou la condition physique. Les stratégies validées scientifiquement vues ensemble (recadrage mental, dialogue intérieur, pleine conscience, routines, objectifs de processus, soutien social) sont de véritables outils d’entraînement. Vous pouvez commencer par en utiliser une, et petit à petit ajouter différentes stratégies à votre arsenal 🙂
A ce moment-là, vous verrez que le stress n’est pas votre ennemi : bien utilisé, il vous aide à mobiliser votre énergie au bon moment et à jouer à votre vrai niveau, tout en kiffant ce que vous faites.
Références:
Sports Performance Anxiety: Causes, Signs, Tips to Cope
Sport-related anxiety: current insights – PMC
Sport performance failure & anxiety: The hidden mental health toll on athletes | Victoria University
Anxiété liée au sport : perspectives actuelles – NeuroXtrain
Performance Anxiety: 5 Proven Ways to Overcome It
Progressive muscle relaxation – Wikipedia
Thérapie d’acceptation et d’engagement — Wikipédia
Cognitive Restructuring Exercise for Athletes | Success Starts Within
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